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Vadim Fishkin, Livia Pàldi – Kaplegraf Og (gouttes en orbite) – 2003

Vadim Fishkin : Artiste, Livia Pàldi : Scénographe

Première publication colloque Visibilité – Lisibilité de l’art spatial. Art et Gravité
Zéro : l’expérience des vols paraboliques, en collaboration avec le festival @rt
Outsiders, Paris, 2003

Kaplegraf 0g © Vadim Fishkin

Je me souviens encore, quand j’étais enfant, de l’impression durable que m’ont laissées les images de télévision en noir et blanc de la station spatiale soviétique, et surtout le moment où un cosmonaute a renversé son verre d’eau : la suspension, puis la transformation amorphe de l’eau en gouttes oblongues m’ont tellement fasciné que j’en ai oublié les cosmonautes qui lévitaient tout autour.

Puis, de nombreuses années plus tard, tout a resurgi à la lecture d’un roman de Stanislas Lem. Je me souviens d’un récit d’extraterrestres de Vénus, dans lequel est décrite avec une précision fascinante leur civilisation matérielle, mais l’auteur refuse de reconnaître ces créatures comme des individus et comme les créateurs de cette civilisation. Au lieu de cela, il parle de particules issues d’une masse molle, étrange et homogène dont elles se sont détachées en continu sous forme de gouttes oblongues. Il en est resté une substance étrange – une forme qui conserve son information – impossible à déchiffrer en relation à l’environnement.

La décision d’utiliser de l’eau est liée en grande partie à des recherches scientifiques récentes qui ont démontré que l’eau était un conservateur et un compilateur d’information – presque le premier bioordinateur. Le premier fait, basique mais surprenant, a été la détection d’importantes formations stables en vecteurs symétriques de 57 molécules d’eau représentant des tétraèdres dodécaédriques construits selon le principe d’équiprobabilité de l’enchaînement des molécules d’eau. Le problème du décodage de la télépathie, de la télécinétique et autres phénomènes insolites, ainsi que la preuve d’une possible interaction entre le système d’information de l’eau, l’eau et le vide, ont déjà été reconnu comme des problèmes scientifiques à part entière.

Les Kaplegrafs sont des dispositifs capables de traduire des données en langage  » gouttes d’eau  » ; ils utilisent l’eau pour exprimer une signification qui transcende les conventions linguistiques habituelles. Ce mot est une contraction du mot  » goutte  » en russe et  » graph « , du grec ancien  » dessiné « ,  » écrit « . Il a aussi un sens plus spécifique pour désigner l’instrument plutôt que le produit écrit avec l’instrument. Pour l’installation Kaplegraf (techet reka Volga) à Valence, 30  » machines à gouttes  » s’enclenchaient après l’écoute d’une chanson culte sur le fleuve Volga. Avec Kapelgraf (les gouttes de la raison) le visiteur était invité à interagir avec le dispositif au moyen d’un ordinateur individuel sachant résoudre une opération mathématique donnée (une addition) et donner le résultat avec une voix assistée par ordinateur ; ce résultat est suivi de la chute du nombre correspondant de gouttes dans des aquariums. Le bruit amplifié des gouttes domine parfois l’espace de l’exposition, suscitant une tension entre l’atmosphère  » romantique  » de la pluie de gouttes d’eau et le caractère programmé du spectacle que les visiteurs ont déclenché.

Pendant qu’il est en situation de gravité, Kapelgraf traduit une substance temporelle (son / voix) en une substance plus corporelle, tout en restant éphémère (gouttes d’eau). En situation de gravité zéro, les gouttes restent suspendues dans l’espace, ce qui explique pourquoi leur matérialité apparaît plus nettement. Kaplegraf (gouttes en orbite) est composé d’une bulle en plastique construite à cet effet, de récipients sous une pression constante, de valves spéciales, d’un PC portable et d’une caméra vidéo (attachée à la bulle). Les gouttes colorées étaient programmées pour  » visualiser  » des séquences du Danube Bleu de Johann Strauss sur lesquelles les gouttes lévitent en dessinant des trajectoires elliptiques.

© Vadim Fishkin et Livia Pàldi & Leonardo/Olats, Octobre 2003 / republié 2023