Annick Bureaud – Visibilité – Lisibilité de l’art spatial. Art et Gravité Zéro. Les raisons d’un colloque – 2003
Critique d’art et curatrice
Première publication colloque Visibilité – Lisibilité de l’art spatial. Art et Gravité
Zéro : l’expérience des vols paraboliques, en collaboration avec le festival @rt
Outsiders, Paris, 2003
Les textes associés au colloque ont été publiés dans le numéro spécial de la
revue Anomalie, numéro 4, automne 2003, catalogue du festival @rt Outsiders
dédié au Space Art.
Visibilité – Lisibilité de l’art spatial. Art et Gravité Zéro (1) : l’expérience des vols paraboliques : ce titre, bien long pour un colloque ou un article, se veut programmatique. Il entend énoncer un questionnement sur l’art, et plus spécifiquement ici sur l’art spatial, en définissant et en délimitant un objet appréhendable. Nous allons en examiner chacune de ses composantes ou, autrement dit, poser « les raisons d’un colloque ».
Le spatial, que ce soit dans le domaine scientifique, commercial, militaire ou artistique, présente des pratiques extrêmement diverses. Dans le champ de l’art, l’édition 2003 du Festival International @rt Outsiders est là pour en témoigner. Le point commun entre les œuvres est sans doute plus leur thème que leur nature, leur esthétique, leur forme ou même leur approche du sujet.
De nombreux articles (2) ont été publiés par les artistes sur leurs œuvres ; pendant six ans, Leonardo/Olats a organisé des ateliers (3) où artistes, scientifiques et ingénieurs, confrontaient leurs pratiques, leurs recherches et leurs expériences ; des organisations comme Arts Catalyst (4) à Londres ou V2 (5) à Rotterdam ont proposé des colloques et des rencontres ; quelques expositions ont été organisées, @rt Outsiders étant la première du genre en France. Cependant, le discours critique et analytique reste largement à produire. Tenter de le faire émerger est l’un des objectifs de ce colloque. Pour cela, il nous est apparu que, plutôt que de vouloir embrasser la totalité du champ de l’art spatial, cerner un objet, un sous-champ cohérent, permettrait de dégager des lignes de force. L’art et la gravité zéro, et plus particulièrement dans/avec le vol parabolique, offrait un terrain propice.
L’art spatial est souvent perçu comme étrange et marginal. Dresser une simple liste (6) d’artistes et d’œuvres suffit à prouver que cette thématique a inspiré et continue de nourrir la pratique de nombreux artistes, tout champs confondus (arts visuels, sonores, spectacle vivant, etc.) et depuis longtemps. Quant au vol parabolique, il oscille entre méconnaissance, fantasme et fascination. Sortir ces pratiques artistiques et le vol parabolique du spectaculaire, (7) les interroger à l’aune de l’art et de la création, les inscrire simplement dans le champ de l’art contemporain est le deuxième objectif de ce colloque. Le vol parabolique reste extra-ordinaire ; l’enthousiasme, le désir et le rêve font partie de l’aventure spatiale, que ce soit dans la conquête humaine de l’espace ou, tout simplement, en astronomie. Il n’est pas question ici de remettre en cause ces aspects mais d’exposer les réalités et les enjeux et de prendre ainsi la distance nécessaire à l’analyse.
Gravité Zéro
S’abstraire de la gravité est un des plus vieux rêve de l’humanité que l’on retrouve dans nombre de nos activités terrestres. Il est au cœur de la danse, que ce soit dans une lutte « contre », par exemple dans les chorégraphies aériennes et suspendues d’un Philippe Découflé ou, au contraire, dans une mise en évidence de celle-ci, avec des danseurs au sol ou qui « tombent », ou encore dans le simple maintien d’un équilibre classique sur une pointe. Le trampoline, dans les arts du cirque, l’évolution dans le milieu aquatique (natation synchronisée), ou le vol libre en parachute constituent autant d’exemples de défis au mouvement « libre » en trois dimensions. Dans un autre registre, certaines pratiques de méditation, shamaniques ou des expériences d’état de conscience altérée sous l’effet de drogues ou de transes explorent un autre état perceptif du corps, « libéré » du poids de la gravité terrestre.
S’abstraire de la gravité, être en impesanteur, « flotter », « voler » en trois dimensions, « tenir » sans appui et sans peur de tomber, savoir « comment c’est » et « quel effet ça fait » est certainement une des raisons qui ont poussé les êtres humains hors de leur planète natale et qui continue à les motiver.
Depuis ce jour de 1961 où Youri Gagarine a transmis à la Terre que tout allait bien, ce rêve qui semblait inatteignable est devenu une réalité.
Nous ne pouvons pas ignorer ce nouvel environnement, la présence humaine dans l’espace extra-terrestre. Des hommes et des femmes, même s’ils sont encore peu nombreux, vivent et travaillent quotidiennement en apesanteur, tout au long de l’année. L’art ne peut en être exclu.
Art et Gravité Zéro - Le vol parabolique
Faire des œuvres dans, avec, pour, à propos de, cette « gravité zéro » est pour beaucoup d’artistes un questionnement artistique qui va bien au-delà du rêve.
Si l’on excepte quelques cosmonautes ou astronautes également peintres, comme le russe Alexei Leonov (8) ou l’Américain Alan Bean, (9) aucun artiste, à ce jour, n’a été dans l’espace, aucun n’a vécu l’apesanteur de manière durable. Sur Terre, le seul moyen d’en avoir une expérience est le vol parabolique. (10)
Nous avons retenu l’expérience du vol parabolique pour ce colloque car il présente des éléments de cohérence intéressants pour une analyse esthétique et artistique :
- Il constitue une unité de temps, de lieu et d’environnement identiques pour tous les artistes.
En effet, même si les avions et le contexte peuvent être différents (le poids « historique » et le contexte de la Cité des Etoiles en Russie a certainement une influence particulière sur l’appréhension du vol), la réalité du vol, les contraintes physiques sur le corps, l’alternance de périodes courtes de 2 G. – 0 G. – 2 G. – 1 G., les annonces des pilotes, la promiscuité avec les autres artistes et expériences, la présence des instructeurs sont les mêmes.
- Le corpus d’œuvres est suffisamment significatif.
À ce jour, 22 artistes ont pu faire un vol parabolique, (11) venant de cultures différentes (France, Japon, Espagne, Russie, Etats-Unis, Grande-Bretagne) et d’horizons artistiques très divers : danse, performance, sculpture, peinture, son/musique, vidéo, etc.
Il est cependant indispensable de garder trois éléments à l’esprit :
- Les œuvres, nous venons de le dire, sont de nature différente ;
- Certaines des œuvres sont abouties alors que d’autres sont encore en projets ou des work-in-progress ;
- Les artistes ont des « niveaux d’expérience » des vols différents. Entre Kitsou Dubois qui a réalisé, à ce jour, 14 vols, Frank Pietronigro et Takuro Osaka qui ont chacun participé à deux campagnes de vol et les autres qui n’ont eu qu’une seule expérience, ce que l’artiste désire transmettre, la nature des œuvres, la « maturation » de l’expérience et de la perception, le travail ne peuvent pas être les mêmes.
J’opère une distinction entre la Gravité Zéro permanente (dans une station ou dans la Navette) et le vol parabolique, et, en conséquence entre l’art en gravité zéro et l’art et la gravité zéro, terme plus général. En effet :
- Le vol parabolique est un environnement bien particulier où l’expérience de l’impesanteur est « encadrée » par des moments de 2 G. Nous verrons plus loin qu’il présente différentes caractéristiques et contextes pour la création ;
- Dans les faits, beaucoup d’œuvres en vol parabolique sont conçues pour être vues dans des espaces terrestres ;
- À ma connaissance, à ce jour, seules deux œuvres ont été conçues pour et envoyées dans des stations spatiales : le Cosmic Dancer d’Arthur Woods (Station MIR) et Prisma de Pierre Comte (12) (ISS (13) ) ;
- Le « public » direct des œuvres en gravité zéro (dans l’espace extra-terrestre) sont, à ce jour, les cosmonautes et les astronautes. Les « terriens » n’en ont qu’une expérience indirecte, par le biais de documents vidéos. Ceci n’exclut évidemment pas l’analyse critique « depuis la Terre », néanmoins le contexte « d’exposition » de ces œuvres me semble important à prendre en compte. Ce qui implique, au passage, que le critique d’art fasse l’effort de se documenter et de comprendre ce qu’est une station spatiale (architecture, espace, conditions de vie et de travail, etc.).
Vol parabolique et création
Le vol parabolique est généralement perçu comme le lieu de l’exposition, de la présentation de l’œuvre. Dans les faits, les choses sont un peu plus complexes que ça.
Le vol parabolique peut effectivement être le lieu de la monstration, mais il est aussi, selon les projets, studio de recherche et de création, matériau pour la création, une « technique », un « environnement » et, souvent, un mélange de tout cela.
Le vol parabolique comme lieu de la présentation, de la monstration et de la performance de l’œuvre.
Pour ce qui concerne le spectacle vivant, le meilleur exemple est celui du Cosmokinetic Cabinet Noordung du Slovène Dragan Zivadinov qui a réalisé une performance théâtrale, Biomechanical Noordung, à bord de l’avion russe en 1999. L’avion avait été converti en « théâtre », avec un décors. Tout au long du spectacle, les instructeurs se sont tenus, autant que faire se pouvait, à l’extérieur de la « scène », derrière des éléments du décors par exemple. Pour la première (et unique ?) fois, du « public » était embarqué. Dans ce projet remarquable, ce qui frappe malgré tout lorsque l’on regarde les vidéos, est la persistance des habitudes « terrestres », et donc la prégnance de la gravité dans nos « réflexes » d’appréhension et de conception des choses. Zivadinov conserve (hormis à la fin) la séparation scène/salle : le public est assis, sanglé sur des sièges et regarde le spectacle dans un rapport frontal classique. Des positions alternatives pour le public par rapport aux comédiens, utilisant le volume de l’avion, ont ainsi été peu prises en compte. Par ailleurs, la verticalité terrestre est maintenue : le décors est organisé par rapport au plancher de l’avion, il a un « haut » et un « bas », d’autant plus forts que l’esthétique de Zivadinov est très inspirée par le constructivisme et que sa forme géométrique principale est un triangle. Enfin, si les comédiens bougent en rotations, celles-ci sont souvent en référence au plancher de l’avion, tout comme leurs positions, les uns par rapport aux autres, qui ne semblent pas profiter pleinement des possibilités offertes par la microgravité pour le mouvement en trois dimensions et le fait qu’il y a autant de verticales que de personnes présentes.
Dans le cas du projet Dédalo de Marcel.li Antúnez Roca, du Zero Genie de Jem Finer et Ansuman Biswas ou du Research Project Number 33 de Frank Pietronigro, le vol parabolique est lieu de la monstration et studio de création. Antúnez Roca a ainsi effectué des micro-performances de 20 secondes chacune qui constituent autant de matériaux pour la création d’une installation et d’une méta-performance. Les micro-performances ont donc eu pour public les personnes présentes dans l’avion tandis que les créations finales se feront sur Terre.
L’autre domaine dans lequel le vol parabolique est le lieu de l’exposition est celui de la sculpture. Mentionnons ici les œuvres Cosmic Spiral Top, Cosmic Wind Bell, Sound Wave Sculpture et Cosmic Sound Sculpture de Takuro Osaka ; Kaplegraf 0g de Vadim Fishkin. Sur Terre, ces œuvres « n’existent » tout simplement pas.
Le vol parabolique comme studio de recherche et de création
Tout comme dans son utilisation scientifique le vol parabolique est d’abord un laboratoire de recherche, dans son utilisation artistique, il est avant tout un studio de création, un « atelier ». Mais les œuvres sont créées et montrées « ailleurs », sur Terre, en gravité 1.
Pour Kitsou Dubois, première artiste à avoir effectué des vols paraboliques en 1990, le travail en apesanteur s’est inscrit dans le prolongement de recherches effectuées dans des lieux « inhabituels » pour la danse, hors du studio et de la scène classiques : façades d’immeubles, environnement aquatique, usines, autour de la question du mouvement, de la gestuelle, de la trajectoire. L’espace est le territoire de la danse : espace dans lequel évoluent les danseurs (généralement la scène), espaces créés par le déplacement de ceux-ci, espace entre les corps et espace du corps des danseurs. L’espace de l’impesanteur est un espace « total », parfait, sans limites. Au cœur de la danse sont le mouvement et son énergie, l’équilibre (conditionné par la gravité), la trajectoire. Travailler sur des façades ou dans l’eau est mettre le corps dans un déséquilibre, dans une autre portance, l’obliger à trouver une autre logique au mouvement et donc à se rapprocher de la compréhension profonde de celui-ci. En apesanteur, plus de point d’appui pour « tenir », mais plus de gravité pour contraindre le mouvement, il est fluide et infini et la trajectoire est continue ; plus besoin de force musculaire pour bouger, mais où trouver le « point d’impulsion » pour initier le mouvement et comment l’arrêter ? Au cours de ses vols, Kitsou Dubois a testé des hypothèses. Elle a construit des « séquences gestuelles » qu’elle a travaillées et « répétées » avec ses danseurs comme dans un studio, aboutissant notamment aux notions de verticale et de référentiel subjectifs, au mouvement dansé organisé autour de la spirale et du corps comme un ensemble de volumes (intérieurs et extérieurs), au vide comme « point d’appui ». Elle écrit (14) :
« C’est ainsi que l’expérience en apesanteur a transformé l’état d’esprit de ma danse. Je « sais » – dans mon état d’esprit – que mon centre de gravité serait plutôt de l’ordre d’un point, et non d’une droite. Je « sais » qu’il est subjectif, qu’il n’est pas matériel, qu’il dépend de mes intentions, de mes tensions, qu’il peut se déplacer et pourtant je « sais » que je peux prendre appui dessus. Alors, je « sais » que ma subjectivité peut être un véritable appui pour mon mouvement. Et c’est donc en prenant en compte cette subjectivité que je vais structurer mon mouvement en apesanteur comme sur terre ».
En microgravité, il semble que l’on perde en partie la mémoire du geste et du mouvement. Autrement dit : on se retrouve dans telle ou telle position, mais on ne sait pas exactement pourquoi, ni comment. En outre on n’a pas le « souvenir » de tous les gestes et des trajectoires que l’on a effectués. La vidéo est donc un instrument capital. Le regard extérieur sur soi devient indispensable à la pleine compréhension de l’expérience vécue. Marcel.li Antúnez Roca déclare (15) :
« Il y a une autre chose aussi qui est importante et que j’ai comprise après le vol. Tu ne peux comprendre l’expérience du vol parabolique et ton expérience en microgravité que quand tu regardes les images et la représentation de toi en vidéo. C’est extrêmement important. Cela veut dire que la représentation, ce n’est pas seulement de la symbolique mythologique, qui est au-dehors de la réalité, on parle toujours de la représentation comme d’une chose virtuelle … Selon moi, la représentation de la flottabilité complète l’expérience. […] C’est important car cela fait le pont entre la réalité et la virtualité. La projection, cet élément virtuel, s’intégre à la perception finale comme une réalité ».
Ce n’est pas un hasard si Kitsou Dubois inclut des images, de plus en plus travaillées, dans des dispositifs scéniques ou dans des installations vidéo à son travail chorégraphique proprement dit. L’image, la représentation, sont des éléments de la réalité cognitive et perceptive.
L’exemple le plus flagrant où le vol parabolique est un atelier pour un travail ultérieur, devant être montré sur Terre est la réalisation de vidéos ou de films. Ainsi dans Otolith de Kodwo Eshun, Anjalika Sagar et Richard Couzins, il a servi à tourner des séquences qui s’inscrivent dans le scénario du projet, empruntant au documentaire et à la fiction, dans une sorte « d’archéologie du futur » pour reprendre les termes des artistes.
On retrouve la même chose, avec des approches artistiques et esthétiques différentes, dans les vidéos Zero de Mike Stubbs, 2G to 0G d’Andrew Kotting et Universal Substitute d’Andrey et Julia Velikanov.
Le vol parabolique comme matériau de la création
Une des choses frappantes au cours d’un vol est l’environnement sonore et le « tempo » rythmé, précis du déroulement des paraboles, comme une partition musicale. Le repérage à l’oreille reste, en fin de compte, le seul élément non perturbé auquel on peut se fier. Dans ce contexte, il est particulièrement intéressant de souligner le travail de Flow Motion qui a enregistré les sons dans l’avion —bruit des réacteurs, vibrations diverses, annonces des pilotes, commentaires des uns et des autres— pour les remixer ensuite dans une création sonore Kosmos In Blue. Pour les artistes, ces sons, au final, sont de même nature que les sons industriels et technologiques avec lesquels ils travaillent d’ordinaire.
Le vol parabolique comme un environnement
L’expérience de l’apesanteur est ce qui attire dans un vol parabolique. Tout le monde ne parle que de ça, de ce que l’on a ressenti, de l’euphorie, de la désorientation, du sentiment d’étrangeté et, simultanément, de familiarité que l’on ne sait nommer. Comme si le reste n’existait pas, comme si l’avion n’était qu’une coquille négligeable, comme si la 2 G. n’était qu’un passage obligé, plus ou moins désagréable.
Takuro Osaka a utilisé le contexte du vol pour la sculpture Sound Wave aux comportements différents selon que l’on est en O G. ou en 2 G., cette alternance n’étant possible que dans un vol parabolique.
Visibilité - Lisibilité : quelles œuvres ?
Le vol est une chose —passionnante, riche, bouleversante, excitante. Nous venons d’en préciser les conditions quant à la création. Mais les œuvres ? Quelles implications cela a t-il sur leur nature, leur forme, leur contenu, leur esthétique ? Comment se situent-elles par rapport à l’art contemporain, à l’art actuel ? Que « disent »-elles et comment peut-on les « lire » ?
Revenons tout d’abord sur une distinction essentielle : toutes ces œuvres n’ont pas la même « destination ». Certaines, les plus nombreuses, sont pour des lieux de monstration terrestres classiques (la danse, la performance, la vidéo, la musique et le son, etc.) (16), d’autres pour des environnements en apesanteur, d’autres, enfin, pour le vol parabolique lui-même. À cet égard, à notre connaissance, seul Takuro Osaka avec Sound Wave Sculpture a exploré cette direction. Il est le seul à avoir utilisé les moments de 2 G. dans une œuvre et à avoir traduit la perception physique, sensorielle et mentale de l’alternance brutale de gravités au cours du vol.
Les deux derniers cas soulèvent une question intéressante quant au public « direct » qui sont donc les astronautes et les cosmonautes ou les participants à un vol parabolique. Quelles sont donc ces œuvres créées pour une poignée de privilégiés ? N’est-on pas là dans un stade ultime de l’élitisme ? À moins que… À moins qu’on ne les compare à d’autres pratiques artistiques. Est-ce si différent du Land Art, « visible » par le plus grand nombre sous forme des traces documentaires que sont les photos ? Mais voir la photo et voir l’œuvre n’est pas tout à fait la même chose. Si on le sait et si on le comprend, alors le discours critique peut s’opérer, pour le Land Art comme pour ces projets reposant sur la microgravité.
Par ailleurs, l’espace extra-terrestre est devenu un territoire humain. Il est l’objet d’enjeux politiques, économiques, militaires. Y inscrire des enjeux artistiques est un acte culturel (au sens général du terme) fort et un enjeu politique quant à l’avenir que nous voulons, et à l’appropriation de ce nouvel environnement. L’art a toujours été présent dans les explorations humaines, que ce soit les premières pierres gravées ou les inscriptions dans le paysage, à mi-chemin du point de repère et de l’acte symbolique, ou ces artistes qui ont accompagné la « conquête de l’Ouest » et la reconnaissance du territoire américain et, depuis 1957, la conquête spatiale.
D’un point de vue formel, ces œuvres n’ont pas, à proprement parler, inventé un nouveau « genre ». Elles s’inscrivent dans les cadres déjà balisés que sont la danse, la vidéo, le théâtre, la sculpture, la musique et le son, la littérature et la poésie. Elles peuvent et doivent être analysées dans ces contextes. Mais, ces mêmes disciplines ont changé. Chaque époque, chaque artiste, chaque évolution du savoir et des connaissances les a modifiées, a apporté un nouveau « langage ». La microgravité ne fait pas exception. Et ces œuvres présentent une singularité. Si elles prolongent ce que l’on connaît —le mouvement dansé, la sculpture cinétique (T. Osaka), la peinture sans support (F. Pietronigro)— elles les portent à un autre degré précisément parce qu’elles incorporent ce nouvel environnement d’impesanteur qui fait désormais partie de notre réalité.
À ce stade de notre réflexion, nous avons retenu les points suivants quant à une première analyse des œuvres :
Transmission de la perception et de l’émotion provoquées par l’apesanteur
Etre en apesanteur est une sensation unique, pour laquelle nous n’avons pas de référent, peu de mots, quelque chose de réellement et profondément inouï. Traduire, transmettre, cet état du corps et de l’esprit, le faire percevoir par un public qui ne le connaît pas, est généralement le premier acte des artistes dans les créations qui suivent leur vol initial. Dans Gravité Zéro, Kitsou Dubois a joué sur l’empathie naturelle corps du danseur/corps du spectateur, notamment par des jeux de miroirs. Les danseurs étaient au sol, masqués des spectateurs. Les miroirs renvoyaient leur image au public. Ils semblaient ainsi flotter librement au-dessus de la scène. La gestuelle était travaillée en fonction de celle en microgravité, les points d’appui semblaient avoir disparu, le mouvement apparaissait comme fluide, continu, sans fin.
Le ralenti, ainsi que l’image « floue », sont des procédés largement utilisés dans les vidéos pour traduire cette sensation de mouvements plus lents, de calme, de dilatation du corps et du temps.
Modification de la grammaire de l’artiste
Il y a un « avant » et un « après » l’expérience de l’apesanteur. La gestuelle de Mathurin Bolze, danseur et acrobate, trampoliniste, parti avec Kitsou Dubois était, de manière extrêmement subtile, différente après le vol : le déplacement de son corps dans l’espace, sa balistique, avait une autre qualité. Richard Couzins a indiqué que cela avait modifié sa façon de filmer.
Ce processus est nécessairement plus lent, il demande une maturation, un apprentissage (17) de l’environnement et de ce qui apparaît bien comme une « technique » avant que de pouvoir s’inscrire dans des œuvres.
Des œuvres « informées » par la microgravité
Il ne s’agit plus ici de traduire « littéralement » la perception vécue de l’impesanteur mais « d’incorporer » celle-ci dans des créations. L’installation Upside/Down de Kitsou Dubois en est un exemple. La gravité conditionne toute notre vie, biologique (la structure du corps, la façon dont une plante pousse, etc.) mais aussi symbolique (hiérarchie, avec des chefs en « haut » et des exécutants « en bas », la distribution du paradis et de l’enfer, etc.), le rapport de communication (a priori, quand on se parle, on est « face à face », mais … dans le même sens !), etc. L’impesanteur casse ces référents. Les images d’Upside/Down ont été tournées dans une piscine. L’installation est présentée de telle façon que l’on ne sache plus où est le fond et la surface de l’eau. Progressivement, nous questionnons notre propre position, qui devient une parmi d’autres. Notre relation à l’Autre —spectateur à côté de nous— se modifie.
« Intégrer » les conditions du nouvel environnement
Kodwo Eshun, Anjalika Sagar et Richard Couzins avaient défini cinq actions simples, banales, quotidiennes que Sagar devait accomplir lors du vol. (18) Après la première série de paraboles, l’expérience de l’apesanteur les a conduits à une sixième : dormir.
Dans sa première version de la sculpture sonore Cosmic Wind Bell, Takuro Osaka avait choisi une forme cylindrique qu’il a transformée en sphère après le vol.
Ces éléments peuvent sembler anecdotiques. Ils témoignent pourtant profondément d’une nouvelle appréhension du monde et de ce que peut être vivre dans l’espace, en apesanteur. La direction du mouvement s’y fait de manière égale dans toutes les directions, la sphère devient alors le volume le plus adéquat. (19)
Que serait une esthétique d’un art dans l’espace ? Sphérique, avec des matières souples et fluides pouvant se déformer selon les mouvements des habitants ? Ou bien aiguë, comme le Cosmic Dancer d’A. Woods, en contraste avec la rotondité de l’environnement ? Quelles seraient les couleurs quand la vision est altérée ? Les réponses, aujourd’hui, restent partielles, mais ce que nous disent les œuvres réalisées ne peut que renforcer la conviction que les artistes doivent poursuivre dans cette voie et être de plus en plus présents dans les vols et dans l’espace.
Des œuvres influencées par le contexte du vol
Est-ce pour contrebalancer le contexte souvent militaire des vols, l’appréhension de s’engager dans cette aventure, le côté sérieux et rigide des protocoles (par ailleurs totalement légitime en terme de sécurité et de rigueur de travail), la solennité due à la conscience de vivre quelque chose d’exceptionnel et d’unique ? Quoiqu’il en soit, l’humour, un dérisoire apparent, filtre dans le travail de Frank Pietronigro et sert de point de départ à Jem Finer et Ansuman Biswas dans le projet Zero Genie. Dans ce dernier, les artistes, costumés en personnages des Milles et Une Nuits, jouent de la flute sur des tapis d’orient, réinterprétant, littéralement, l’histoire fabuleuse des tapis volants. Mais cet humour est prétexte pour dire des choses plus sérieuses. On peut ne voir dans Zero Genie qu’une aimable plaisanterie, ou la mise en œuvre d’un conte mythique. On peut aussi y découvrir une réflexion sur la domination occidentale de l’espace, sur le multiculturalisme, sur des aspects beaucoup plus politiques qu’il n’y paraît.
Ce qui frappe dans les œuvres vidéo est tout d’abord une certaine violence que l’on ne retrouve pas dans les autres projets. Par exemple, dans Universal Substitute, Velikanov, associe des images de guerre, de catastrophes aériennes, des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, à ses images du vol et à l’iconographie de la conquête spatiale.
Il est à noter que tous les artistes ayant travaillé en vidéos ont participé à un vol en Russie. Est-ce pour cela, est-ce ce « poids de l’Histoire », si présent à la Cité des Etoiles, qui fait que tous mêlent les images historiques aux images tournées en vol et sur place ? Ou bien s’y ajoute t-il le rêve « d’aller plus loin », d’aller à l’aboutissement du vol parabolique : dans l’espace ? Ce qui est intéressant est de voir la variété du traitement à partir d’un même matériau : plus proche du vidéo clip pour Andrew Kotting, d’une narration d’une violence et d’une sorte de souffrance chez Velikanov et quelque chose de plus évanescent, avec des images en noir et blanc, presque floues parfois, pour Mike Stubbs.
Un « dialogue » autour de la gravité
Finalement, l’apesanteur … permet de voir la Terre autrement et de considérer sous un autre jour ce que nous connaissons depuis notre naissance : la gravité. Tous les artistes « du corps » en témoignent, Kitsou Dubois, Morag Wightman, Marcel.li Antúnez Roca.
Un nouveau rapport au corps et à l’identité
En apesanteur, on perd la conscience de la limite externe de son corps. C’est comme si la peau, ne subissant plus la même « pression », cessait de jouer son rôle de capteur entre le « dedans » et le « dehors », entre « moi » et « ce qui n’est pas moi » (20). En revanche, on acquiert une perception singulière de l’intérieur de son corps. Le moi se dissout et se centre à la fois.
La psychanalyse pose que la peau est la frontière du moi et fait partie de sa structuration. (21) Qu’en est-il en apesanteur quand, au moins au début, on ne sait plus très bien où l’on « finit » ? Comment se (re)structure le moi ? Où se situe l’identité, comment se (re)définit-elle ?
L’art et la microgravité rejoint ici les technologies du virtuel, de la téléprésence, d’Internet où, d’une autre manière, le corps est amplifié, prothésé, étendu, au-delà de ses capacités tactiles et perceptives directes. Quel est ce corps qui peut être ici et ailleurs à la fois ? Est-ce le même corps ? Est-ce la même présence ? Internet est aussi un espace sans verticalité, sans repères stables. Le succès de la métaphore du rhizome, empruntée à G. Deleuze, est là pour témoigner de cette autre structuration spatiale, tout comme les recherches en visualisation de données et en cartographie du Web. (22)
Cela ne me semble pas un hasard que les artistes « du corps » prennent en compte cette dimension, que ce soit Kitsou Dubois avec ses installations ou son utilisation des images « filaires » ou Marcel.li Antúnez Roca qui déclare : (23)
« J’avais choisi l’exosquelette parce qu’il n’a pas besoin d’espace quand tu fais une performance. Mais l’autre façon d’aborder le mouvement du corps est la motion capture (24) (capture de mouvement). Après le premier vol, je me suis dit que nous avions besoin d’une interface de motion capture ».
Les technologies du numérique et de la robotique ont donné lieu à un discours critique et de recherche très fourni et fouillé sur la question du corps et de l’identité. Les technologies spatiales ont produit quantité de recherches sur la perception, ne serait-ce que pour imaginer des méthodes d’adaptation à l’impesanteur, pour compenser l’effet de désorientation. Faire se croiser ces deux communautés, partager les savoirs, notamment sur le plan artistique me paraît indispensable. V2 a ouvert la voie avec le séminaire organisé en juin 2003 et qui réunissait des spécialistes et des artistes de la réalité virtuelle et de la microgravité. (25)
Le roman culte de la culture numérique et plus spécifiquement du cyberespace a été Neuromancien (26) de William Gibson. (27 Au même moment, Bruce Sterling publiait Schismatrix, (28) dans lequel il développe une vision du futur dans l’espace, avec des êtres vivants en apesanteur dans des stations gigantesques, ou au contraire sur des planètes avec une gravité plus importante que la nôtre. Pour s’adapter, les êtres humains ont choisi deux options : les « Mécas » se sont tournés vers la cybernétique et les prothèses plus ou moins informatisées, internes ou externes ; les « Morphos » ont opté pour les biotechnologies. Sterling écrit des pages remarquables et saisissantes sur la microgravité. Ce livre n’a pas connu la même fortune que celui de Gibson. Pourtant, réunissant dans un même récit l’espace et l’apesanteur, les biotechnologies et les technologies numériques, il est certainement le roman de science-fiction de notre imaginaire actuel.
Un autre aspect de la microgravité est celui d’une certaine « familiarité » de la sensation, exprimé par plusieurs artistes. Il a été quelquefois rattaché à d’autres formes de perception (méditation), à d’autres philosophies et approches du monde, notamment de la culture orientale ou des sociétés « primitives » (lévitation, bouddhisme, shamanisme, par exemple) ; quelquefois la référence a été le fœtus. Ce territoire reste largement vierge. Les recherches, scientifiques et artistiques sur la conscience, ouvertes à d’autres cultures et approches que celles de l’Occident, commencent à trouver une place dans le discours critique, (29) mais peut-être devrait-on mettre quelques psychanalystes dans un vol ?
Art et gravité zéro : quelle critique d'art ?
Dans le dossier sur l’Ircam, dans le numéro d’Art Press n°288 de mars 2003, Bernard Stiegler plaide pour une compréhension de la musique contemporaine « de l’intérieur » (donc y compris la technique) autant de la part du musicologue que du public pour une connaissance « intime » des œuvres. Cette remarque s’applique à l’art et l’apesanteur. Faut-il pour autant que le critique d’art fasse un vol parabolique pour pouvoir écrire en toute connaissance de cause ? Reconnaissons-en l’impossibilité pratique (quoique ….). Mais tout comme pour l’art numérique, le net art et l’art des nouveaux médias en général, ignorer totalement le contexte, notamment technique, de la création de l’œuvre et dans certains cas de son environnement de présentation, me semble inconcevable. Le choix par Christo de la couleur de ses parasols, bleus au Japon, jaunes en Californie et de leur densité d’implantation différente dans les deux régions, avait un sens profond dans l’œuvre. Il faisait écho aux deux situations géographiques, à leur climat, au type et à la structure économique de l’agriculture, aux paysages et à l’habitat. Le critique doit intégrer cette donnée, l’apprendre. Ceci est vrai pour toutes les œuvres in situ ou inscrites dans un contexte culturel inhabituel pour le critique occidental ou dans une technique nouvelle. Il n’y a aucune raison pour que les œuvres liées à la microgravité fassent exception.
On dit des artistes qu’ils font « voir autrement des choses familières », Cézanne et la Sainte-Victoire ou Mondrian et ses dunes bleues. Il n’y a aucune familiarité avec l’apesanteur pour la majorité d’entre nous. Le public de l’art numérique et du net art des débuts n’avait souvent qu’une connaissance vague des ordinateurs. Mais contrairement à l’art des nouveaux médias, la potentialité à moyen terme pour qu’un plus large public s’approprie les techniques et l’environnement de la microgravité est particulièrement faible. Les artistes ici ouvrent un territoire. À nous de les accompagner, de les écouter. Le partage est possible. C’est aussi la raison d’être de ce colloque.
Notes et références
Certains liens du texte initial ne sont plus actifs, d’autres références ne sont
plus disponibles. Ce texte a été revu en conséquence par l’éditeur en 2023
(1) – Le terme de « gravité zéro » est impropre. Que ce soit dans une station spatiale ou, a fortiori, dans un avion lors d’un vol parabolique, nous restons soumis à l’effet de la gravité c’est-à-dire à l’attraction terrestre. Simplement, les conditions physiques de l’orbite de la station autour de la Terre, tout comme les conditions physiques du vol de l’avion, engendrent un effet d’apesanteur, les termes les plus appropriés étant « impesanteur » ou « pesanteur apparente nulle ». Néanmoins, les vocables « microgravité » ou « gravité zéro » (dérivés de l’anglais) restent les plus utilisés hors des communications scientifiques.
Pour une description précise du vol parabolique et des conditions de la microgravité, voir le texte présenté par Denis Thierion « Accéder à l’impesanteur grâce au vol parabolique ».
(2) – Notamment, depuis 1971, dans la revue Leonardo
(3) –
(4) –
(5) – http://www.v2.nl
(6) – Leonardo/Olats et la Ours Foundation se sont associés pour élaborer « SpaceartS », une base de données sur l’art spatial, dont les premiers éléments sont en ligne à http://www.spacearts.info. Cette base de données n’est désormais plus en ligne.
(7) – Ne plus lire, dans la presse, le titre « des artistes s’envoient en l’air » par exemple …
(8) –
(9) – Mission lunaire Apollo. http://www.alanbeangallery.com/
(10) – Voir le texte présenté par Denis Thierion, opus cité.
(11) – Ce chiffre n’inclut pas les danseurs et danseuses partis avec Kitsou Dubois, ni les comédiens et le public de Dragan Zivadinov.
(12) – Des documents sur ces deux œuvres sont présentés dans l’exposition « @rt Outsiders : space and the arts »
(13) – L’ISS est le sigle en anglais de la Station Spatiale Internationale.
(14) – Dans sa thèse de doctorat
(15) – Entretien avec Annick Bureaud le 22 juin 2003.
(16) – Nous parlons ici uniquement des œuvres réalisées ou en cours de réalisation. Il est bien évident que l’on peut envisager des chorégraphies, de la musique, etc. pour l’apesanteur et, par exemple pour un habitat extra-terrestre comme la Station Spatiale Internationale. C’est d’ailleurs, l’objectif et le rêve de certains artistes.
(17) – Et donc la nécessité de plusieurs campagnes de vols pour les artistes.
(18) – Voir leur texte « Initial Report 3.0 On The Pilot Study On The Minimal Behavioural Preconditions For The Partial Demilitarization Of Permanent Habitation In Microgravity » dans ce même numéro.
(19) – Notons que Pierre Comte a proposé des modules sphériques, plutôt que cylindriques pour la construction des stations spatiales.
(20) – Cette distinction est évidemment perceptible par la vision. Mais ce que je ne vois pas de mon corps n’a plus de « limite », ni de « place ». Il faut donc se re-définir et acquérir une perception de soi et de son corps « autrement ».
(21) – Didier Anzieu, Le Moi-peau, Paris, Dunod, 1995, Bordas, 1985 pour la première édition.
(22) – Cf. Matt Woolman, Données à voir. Le graphisme d’information sur support numérique, Paris, Thames & Hudson, 2003.
(23) – Entretien avec Annick Bureaud, opus cité.
(24) – Voir à ce sujet, l’excellent article « The dimension of Data Space. A Report of the Workshop ‘Sharing The Body' » de Scott DeLahunta, dans le numéro 3 d’Anomalie, intitulé « Interfaces ».
(25) – Référence indisponible
(26) – William Gibson, Neuromancien, Paris, J’ai Lu, 1985
(27) – Le terme même de cyberespace provient de ce roman de science-fiction.
(28) – Bruce Sterling, Schismatrice, Paris, Denoël, Folio SF, 2002
(29) – Cf. la revue Technoetic Arts, lancée par Roy Ascott
Liens
* Ars Astronautica: http://www.spaceart.net
* V2: http://www.v2.nl
* Tate in Space: http://www.tate.org.uk/space/
* Marcel.li Antúnez Roca: http://www.marceliAntúnez.com/
* Frank Pietronigro: http://www.pietronigro.com
* Takuro Osaka: http://www.takuro-osaka.com
© Annick Bureaud & Leonardo/Olats, Octobre 2003 / republié 2023
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