Nicola Triscott – Le laboratoire de recherche multidisciplinaire – 2003

The Arts Catalyst incite les artistes à se rapprocher du monde scientifique et oeuvre à promouvoir les échanges entre artistes et scientifiques. Nous souhaitons tout particulièrement développer de nouveaux domaines de recherche artistique / scientifique (art en gravité zéro, projets dans l’espace, environnement extrêmes, systèmes de vie), et à susciter de nouveaux espaces pour promouvoir l’engagement des artistes relatifs à des sujets de recherche sensibles et émergents.

La nécessité de favoriser et approfondir des projets de recherche menés par des artistes qui travaillent en étroite collaboration avec des scientifiques est notre premier objectif. La recherche que nous souhaitons promouvoir suppose que les artistes puissent utiliser des procédés ou du matériel scientifique. Elle a pour objet d’engager un dialogue entre des artistes et des scientifiques, en leur donnant de nouvelles opportunités pour entreprendre, sous des formes inédites, des recherches en commun. Nous voulons également encourager la création de groupes de recherche multidisciplinaires.

De 2001 à 2003, nous avons mis au point trois laboratoires de recherche multidisciplinaires pour explorer de nouveaux moyens de promouvoir un dialogue et un champ d’entente entre artistes et scientifiques. Ces laboratoires sont soit isolés géographiquement ou bien conçus de telle sorte que les participants se trouvent éloignés de leur environnement quotidien. Dans ces laboratoires, artistes et scientifiques travaillent en groupe et mènent leur propre projet de recherche les uns à côté des autres. Notre intention était de favoriser un échange d’idées et d’expertise grâce à la mise en place d’un contexte de travail et d’une situation sociale où les participants soient ensemble une grande partie de la journée pendant une période donnée.

Laboratoire 1 : Vol MIR 001 Russie

Notre premier laboratoire s’est déroulé en octobre 2001 à la Cité des Etoiles en Russie. Avec le Centre d’entraînement des cosmonautes Youri Gagarine et en association avec les Opérations de Vol du Projekt Atol, Arts Catalyst a pu constituer un groupe composé d’artistes et de scientifiques russes et britanniques, et d’un philosophe russe (16 personnes en tout) pour expérimenter et entreprendre des projets en gravité zéro sur un vol parabolique (avion en plongée) et pour filmer et se faire une idée précise de l’ambiance à la Cité des Etoiles.

Un artiste fait part de son expérience :

« Je voudrais dire quelques mots de l’équipe avec qui j’ai voyagé. L’atmosphère de bonhomie et de camaraderie que cette expérience a engendré a été unique en son genre. On avait le sentiment très net que de nouvelles relations stimulantes étaient en train de se forger. Etant donné la divergence et la diversité des pratiques des uns et des autres nous avions beaucoup de choses à nous dire et à apprendre des uns et des autres. Je me suis retrouvé presque constamment engagé dans une conversation. Les cadres informels et la nature mobile de ces conversations, qui ont duré pendant plus d’une semaine, qu’un même rite de passage reliait, les ont rendues très différentes des conversations qu’on peut avoir à des conférences, des séminaires ou des réunions officielles. Pour moi, ces rencontres représentent peut-être l’aspect le plus précieux de tout le voyage. » Ansuman Biswas

Laboratoire 2 – Makrolab Mk2 Ecosse

Makrolab est l’idée d’un artiste slovène Marko Peljhan qui a voulu créer un environnement de recherche autonome et vivant. Le Makrolab produit sa propre énergie grâce au vent et à des panneaux solaires et a été conçu pour avoir un temps d’autonomie assez long. Makrolab se veut un pôle de recherche art & science véritable, capable de fonctionner dans une variété de climats avec l’objectif à long terme d’installer un pôle de recherche art & science permanent dans l’Antarctique.

Arts Catalyst a placé le Makrolab de Peljhan dans la région d’Ecosse des Highlands en été 2002, dans le cadre de l’Année internationale de la montagne (IYM). Il a hébergé 21 artistes et scientifiques pendant 3 mois – par groupe de 4 à 6 personnes pour une période donnée – loin de toute civilisation mais reliés par satellites. Nos collaborateurs scientifiques à l’IYM étaient particulièrement intéressés par le potentiel de Makrolab à contribuer à la recherche actuelle sur les  » footprint-light  » (empreintes au sol) dans des environnements fragiles et précaires. Suivant ce raisonnement, des  » passages « , sous la forme d’installations solides, sont placés aux frontières de ces environnements fragiles. Elles permettent aux chercheurs d’entreprendre des programmes d’étude de durées variables, en faisant des excursions contrôlées dans l’environnement local, tout en diffusant des informations au niveau local et international.

Laboratoire 3 – Campagne MIR Russie 2003

Notre laboratoire le plus récent, en avril 2003, a revisité le Centre d’entraînement des cosmonautes Youri Gagarine à la Cité des Etoiles et l’expérience du vol parabolique, cette fois en mettant à profit les connaissances acquises lors de notre participation à une campagne de vol parabolique de l’Agence spatiale européenne.

Cette fois, nous avons sélectionné 7 projets artistiques et scientifiques issus de plusieurs pays européens et constitué un groupe de 20 personnes (artistes, scientifiques et conservateurs) pour un séjour de 8 jours à la Cité des Etoiles. Pendant cette période, les participants ont pu se rencontrer, prendre leur repas ensemble et établir des projets en commun.

Deux vols paraboliques avec le Centre d’entraînement des cosmonautes Youri Gagarine ont été réalisés. Un vol de 6 paraboles a permis à ceux ayant des projets en apesanteur de faire l’expérience de la microgravité (tous pour la première fois) et de s’adapter à cet environnement, ainsi que de tester les projets et le matériel. Un vol de 25 paraboles a ensuite permis à l’ensemble des projets d’être réalisés. Le projet d’un artiste a aussi été réalisé sur la centrifugeuse géante de la Cité des Etoiles, et les musées, les archives et l’environnement de la Cité des Etoiles ont également été explorés. Plusieurs de leurs projets sont présentés dans cette revue.

Ces laboratoires expérimentaux modélisent un nouveau genre d’activités pour établir des liens durables entre des artistes et des scientifiques de différents pays et différentes disciplines. A court terme, les résultats sont encourageants : des collaborations entre des participants après l’expérience en laboratoire ont vu le jour. Inévitablement, comme ce sont des projets initiés dans le milieu artistique, non immergés dans le monde structuré du scientifique, il a été difficile de susciter autant de propositions scientifiques fortes que de propositions artistiques et cela a entraîné un déséquilibre entre les deux disciplines représentées dans les laboratoires. Susciter davantage de propositions scientifiques reste un défi, et lié à cela est le défi de trouver ou de créer des situations en laboratoire assez uniques pour attirer autant le scientifique que l’artiste.